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plus connus sont d’Antraigues, Fauche-Borel, Montgaillard, le prince de Carency, l’abbé Rougier, Rochejean, le chevalier de La Morlière. Pour ceux-là, la preuve est faite. Mais, pour combien d’autres les mêmes soupçons ne sont-ils pas autorisés ? En 1798, Montgaillard – pour ne citer qu’un fait – livre à Roberjot et à Reinhardt, successivement ministres de France à Hambourg, tous les projets des émigrés, dénonce Pichegru et, pour mieux s’assurer en même temps la confiance de ceux qu’il trahit, leur fait tenir les renseignements qu’il a recueillis à la légation de France. C’est le propre de ces gens-là d’être traîtres envers tout le monde. Les femmes travaillent aussi pour la police. En Normandie, en Bretagne, à Paris, à tous les étages sociaux, Fouché a une légion de correspondantes accidentelles ou attitrées.

En un temps où des faits pareils pouvaient se produire, le ministre de la Police, alors même qu’il ne les aurait pas provoqués, ne devait pas avoir de plus grand souci que celui de les imiter. Il ne s’en fait pas faute. Découvre-t-il que les correspondances d’Angleterre arrivent sur le continent par Husum, petit port danois, sur la côte de Schleswig, il expédie aussitôt en Danemark un agent secret.

– Vous réclamerez ces lettres au bateau par lequel elles doivent arriver, lui ordonne-t-il. Pour vous les faire remettre, vous vous recommanderez des princes de Bourbon, en vous disant envoyé par les royalistes.

Veut-il connaître les projets des insurgés de Vendée ? il fait partir pour cette province des hommes tarés, en les autorisant à se faire passer pour partisans de l’insurrection. Ce sont des bandits, ces « hommes sûrs ». Ils commettent toutes sortes de crimes. Le général d’Hédouville, qui commande encore dans ce pays, est obligé de les subir.