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déclaré une guerre sans merci, contre les chouans, complices des émigrés, contre les agents du gouvernement anglais, quand il acquiert la preuve que celui-ci les excite à l’assassinat ?

Un jour, un inconnu se présente à Fouché et, s’il faut en croire une note de police, lui raconte ce qui suit :

– Je suis émigré, ancien soldat dans l’armée de Condé. Quand on nous a licenciés, on nous a promis que l’arriéré de notre solde nous serait payé par l’Angleterre. Il y a six mois, j’étais à Londres, sollicitant en vain ce qui m’était dû. À bout de ressources, je me présentai chez M. Wodfort, sous-secrétaire d’État de M. Windham. Il me reçut avec bienveillance, m’écouta et tout à coup s’ouvrit à moi d’un projet de se défaire de Bonaparte par un coup hardi : il était difficile de reculer devant le secret qu’on me confiait. J’acceptai de tenter le coup. On me promit trois cents guinées. On m’indiqua le banquier d’Hambourg chez qui cette somme me serait comptée. « Vous agirez isolément, me dit-on, en enfant perdu, quand vous pourrez, comme vous pourrez. » Je suis parti pour Hambourg, décidé à manger en Allemagne l’argent de l’assassinat. À Hambourg, un ami m’a conduit chez un diplomate français, M. de Bourgoing, à qui j’ai rapporté ce fait et qui m’a engagé à venir vous le communiquer.

Au moment où Fouché recevait cette confidence, la paix d’Amiens venait d’être conclue. Il voulut s’assurer qu’il n’était pas la dupe d’un escroc. Il chargea un de ses amis, qui était aussi l’ami de Wodfort et qui partait pour Londres, de tâcher de tirer au clair cette affaire. L’ami passa en Angleterre ; il vit le sous-secrétaire d’État, et comme celui-ci lui faisait part de son projet de profiter de la paix pour aller à Paris :