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Les émigrés rentrés en France semblent se résigner au pacte conclu entre la nation française et son nouveau maître. Mais leur résignation n’est que comédie. Ils dissimulent avec tant d’habileté leurs sentiments et trompent si bien les hommes qui détiennent et dirigent le pouvoir consulaire que ceux-ci sont convaincus que les organisations insurrectionnelles et les intrigues dangereuses ont fait leur temps. « Tous les agents des Bourbons dans l’intérieur, dit Desmarets, avaient été successivement pénétrés ou connus. »

La rupture de la paix d’Amiens en 1803 rend aux conspirateurs une audace qu’on ne soupçonnait plus : elle les fait se démasquer. Il devient alors évident qu’entre eux et Napoléon a coulé trop de sang pour que les tentatives de réconciliation auxquelles ils feignaient de se prêter soient sincères et durables. C’est ainsi qu’est trompé l’espoir que le premier Consul avait fondé sur la pacification officielle de la Vendée. « Le premier Consul n’avait aucune haine contre les émigrés, dit le chancelier Pasquier ; il n’a jamais eu de haines ni d’affections que celles qui lui ont été commandées par son intérêt, et celui du moment était très évidemment de tarir cette source de divisions intestines et d’ôter à l’étranger des auxiliaires qui lui donnaient toujours dans l’intérieur des moyens d’intelligence plus ou moins dangereux. »

Par malheur, ces dispositions bienveillantes, commandées par une politique habile et généreuse, ne pouvaient durer devant l’audace croissante de tant d’ennemis du repos public. C’est alors que, pour la réprimer, Bonaparte organise sa police. Elle est, en la forme que comportent son génie créateur et la nette vision des périls qu’il court, l’expression du droit de légitime défense. Comment hésiterait-il à sévir contre ceux qui lui ont