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quelques-unes le lui avaient dit, entre autres une jeune fille qui correspondait avec lui à l’insu de ses parents et une femme mariée, dont les lettres sont au dossier avec une boucle de cheveux. Il brûlait du désir de se l’entendre dire par les Parisiennes, et ce désir causa sa perte.

Pressé de partir, il s’ingénia à faciliter la mission de Chateaubriand. Il connaissait à Brest un ancien officier de Marine, M. de Goyon-Varouault, de cette famille de Goyon déjà mêlée aux complots royalistes et dont deux membres à la même heure étaient jugés à Rennes comme complices de Prijent. Il lui écrivit en lui envoyant les parties du questionnaire de Chateaubriand relatives à notre grand port militaire. Il lui demandait d’y répondre par un rapport détaillé. D’autre part, il trouva dans le pays un aubergiste, le sieur Chauvel, qui consentit à assurer le service des correspondances avec Jersey une fois que Chateaubriand y serait retourné. Enfin lui-même se mit en route pour Paris en promettant de renvoyer à bref délai à Terrien – c’était le nom sous lequel Chateaubriand vivait chez Boisé-Lucas – les réponses aux lettres et aux questions qu’il emportait avec lui.

Ces arrangements, grâce à l’activité intéressée du jeune Boisé-Lucas, furent si promptement pris que Chateaubriand, trois jours après son arrivée à Saint-Cast, se trouvait réduit à ne plus rien faire. Il ne lui restait qu’à attendre les renseignements qui devaient lui être expédiés de Paris et de Brest. Boisé-Lucas père tira parti de l’inutilité de sa présence et des dangers auxquels lui-même s’exposait en lui donnant asile, pour l’exhorter à retourner à Jersey. Chateaubriand s’y résigna, après que son ami se fut engagé à lui faire passer les réponses attendues. L’aubergiste Chauvel devait être l’intermédiaire de cette correspondance. Avec Chateaubriand, ils