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les condamnés à mort au Champ-de-Mars de Rennes, sauf Prijent et Bouchard, qui bénéficiaient d’un sursis. On les fusilla « au son de la musique, devant toute la ville », s’il faut en croire un témoin, étudiant à la Faculté, qu’on va voir figurer dans une affaire non moins dramatique que celle-ci. Mignotte écrivait encore : « Ils ont montré de la résignation à la mort et du courage. » Le commissaire général de police disait de son côté : « Goyon-Vaucouleurs a excité quelques regrets. Il n’y a personne qui n’approuve sa condamnation. Mais une mesure d’indulgence aurait fait plaisir à une partie de l’ancienne noblesse. Son ton de bravoure et de loyauté m’intéresse plus que je ne devrais peut-être l’avouer. » Ici se place un touchant épisode. M. de Villeguemon, gentilhomme breton, apitoyé par le sort de M. de Goyon, avait, au lendemain de l’arrestation de celui-ci, demandé la main de sa fille. Après l’exécution, il l’épousa.

Restait à prononcer sur le sursis provisoire décidé en faveur de Prijent et de Bouchard. Ce sursis, surtout en ce qui concernait Prijent, avait exaspéré la population de Rennes. Elle considérait ce traître comme indigne de toute pitié. Fouché n’en persistait pas moins à plaider sa cause et celle de Bouchard auprès de l’Empereur, en proposant une commutation de peine. Mais Napoléon avait les traîtres en horreur, même quand il profitait de leur trahison. Il refusa de ratifier les formels engagements pris en son nom. Le sursis fut levé. Le 11 octobre, à 6 heures ½ du matin, Prijent et Bouchard furent exécutés. « Prijent est mort aussi lâchement qu’il avait vécu. C’est un grand scélérat de moins sur la terre. » Il n’y a rien à contredire en cette sévère mais juste appréciation du général Mignotte.


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