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inspiré d’elle pour créer dans un de ses plus beaux romans l’admirable figure de Mme  de La Chanterie. En comparant le véridique récit que nous venons d’écrire avec celui du romancier, on appréciera dans quelle mesure son génie a transfiguré Mme  de Combray et son imagination dénaturé la vérité.

Quant à Mme  de Vaubadon, sa destinée fut moins glorieuse. Après l’assassinat de d’Aché, obligée de quitter le Calvados où, de toutes parts, elle se heurtait aux manifestations insultantes du mépris qu’elle inspirait, elle se réfugia à Paris ; même là, elle dut invoquer la protection de la police. Cette protection ne lui fit pas défaut. Un jour qu’elle passait dans la rue de la Paix, un gentilhomme normand, le marquis de Lamberville, qui se trouva sur son chemin, ne put retenir un cri d’horreur et l’apostropha en lui rappelant le meurtre de d’Aché. Quelques heures après, il recevait l’ordre de s’éloigner de Paris sur-le-champ et de n’y pas revenir sans autorisation. La police intervint également contre les créanciers de Mme  de Vaubadon. « Si elle est poursuivie, écrivait Réal à Caffarelli, par suite de l’opinion qu’on a qu’elle a servi la police, signalez-moi ces personnes, la conduite et les relations qu’elles ont eues précédemment avec les insurgés. »

Par une circonstance restée inexpliquée, Mme  de Vaubadon n’avait pas encore touché, au commencement de 1810, les soixante mille francs qui lui avaient été promis. Perdue de dettes et poursuivie, elle les réclama. Réal ne voulait pas les payer ouvertement. On simula un prêt hypothécaire. L’hypothèque fut prise par un notaire de Paris, Me Genoux, sur une terre que Mme  de Vaubadon possédait à Saint-Germain, dans le Calvados. Par l’entremise de ce notaire, elle avait reçu, à la date du 4 septembre 1810, 49,541 francs. Le complément lui