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assez pour entreprendre de l’aider à s’enfuir. S’il voulait se confier à elle, elle le remettrait aux mains d’un homme sûr qui le conduirait à Luc-sur-Mer où, grâce à des mesures prises d’avance, il pourrait s’embarquer pour l’Angleterre.

Il n’est dit nulle part qu’elle se soit trouvée en présence de son ancien amant. Soit qu’au moment de le trahir, elle ne voulût pas le revoir, soit que d’Aché se défiât d’elle ou préférât ne pas se montrer, il n’est pas probable qu’ils se fussent revus depuis leur rupture ni qu’ils se soient rencontrés ce jour-là. Les préparatifs de l’évasion paraissent s’être faits sans lui. Mlle  de Montfiquet étant entrée dans les vues de la marquise de Vaubadon, elles continuèrent ensemble ces préparatifs. Il est remarquable qu’à ce moment Pontécoulant venait d’arriver à Caen, chargé, au moins en apparence, d’une mission extraordinaire concernant l’organisation de la garde nationale. Peut-être même était-il venu de Paris avec Mme  de Vaubadon, qui rentrait à Bayeux après sa visite à Fouché.

Le surlendemain, 7 septembre, d’Aché entendit la messe à Trévières et communia. Le soir venu, il fit ses adieux à Mlle  de Montfiquet. Elle lui offrit, en souvenir d’elle, un recueil de Pensées chrétiennes. En la quittant, il alla chez la veuve Amfrie qui devait lui remettre trois cents francs pour ses frais de route. Il était vêtu d’une veste de chasse en drap bleu, d’un pantalon de velours côtelé vert olive, d’un gilet en piqué jaune et chaussé de bottes à la russe. Il avait pris des armes : une canne à épée et deux pistolets de fabrique anglaise. Suivie de sa fille, Mme  Amfrie, entre minuit et deux heures, l’accompagna jusque devant l’église de la Délivrande, gros bourg à moitié route entre Bayeux et la mer, où devait se trouver le guide promis par Mme  de Vaubadon.