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lier de Toustain, un jeune homme de dix-neuf ans, est surpris par la police au moment où il achète des poignards, des cocardes et des plumets blancs destinés aux conjurés. Traduit devant une commission militaire, le silence obstiné qu’il garde est considéré comme une preuve de ses mauvais desseins. Il est condamné à mort et fusillé dans la plaine de Grenelle, le 25 janvier[1].

Son exécution, celle de Frotté exaspèrent les royalistes vaincus. Ils en conservent un ressentiment inoubliable. À l’heure même où les chefs vendéens signent la paix, les membres de l’agence de Paris cherchent à découvrir les juges qui ont condamné Toustain afin de venger sur eux son trépas et d’épouvanter ceux qui seraient tentés de les imiter. Seul, le souci de leur propre sûreté les décide à renoncer à ces représailles, à ajourner contre le premier Consul toute tentative nouvelle.

À ce moment, il n’y a plus de Vendée. L’amnistie générale accordée aux chouans consacre l’oubli du passé qu’a promis Bonaparte. Il invite les principaux d’entre eux à se rendre à Paris. Tour à tour, il reçoit Chatillon, d’Autichamp, Suzannet, Bourmont, Cadoudal. À tous, il renouvelle les offres qu’il a déjà faites à d’Andigné et à Hyde de Neuville : grades, fonctions, honneurs, dignités. Tous les repoussent comme indignes d’eux. Ils ajoutent, il est vrai, qu’ils sont résignés à leur défaite. Mais il s’en faut que les assurances qu’ils donnent à cet égard soient également sincères. Bonaparte reste en défiance vis-à-vis de la plupart d’entre eux.

Il croit aux promesses de Chatillon qui, vieux et nouvellement marié, est résolu à vivre dans la retraite et accepte les témoignages de sa bienveillance[2]. Mais il

  1. Des pièces relatives à cette affaire, il ne reste aux Archives que de rares fragments.
  2. Les relations de Bonaparte et de Chatillon restèrent confiantes, ainsi que le prouve une gratification accordée à ce dernier le 20 juin 1803. J’ai trouvé aux Archives une lettre de lui au Grand Juge, par laquelle il charge son parent, M. d’Orvault, de toucher la somme. Il le prie de remercier le premier Consul : « Il me trouvera digne de l’estime dont il a bien voulu m’honorer et dont il m’a donné tant de marques. Rien n’attache plus un honnête homme que la confiance qu’on lui témoigne. Il regarde comme une lâcheté d’en abuser. »