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année, personne ne voulait croire à sa déclaration, dont, toutefois, le tribunal prit acte. Assurément, elle ne l’avait faite que pour échapper aux conséquences immédiates de l’arrêt. Dans l’espoir d’obtenir sa grâce en gagnant du temps, elle avait eu le triste courage de se déshonorer, encore qu’à moins de soupçonner Liquet, il fût à peu près impossible qu’elle eût pu devenir grosse. L’audience levée, on ramena dans leur prison, chacune de son côté, la mère et la fille. Mme  de Combray s’alita en y rentrant. Pour elle comme pour sa fille, on dut surseoir à l’exécution de l’arrêt.

Il fut également sursis à la mise en liberté des prévenus acquittés. Réal ne se croyait pas tenu de les relâcher avant de s’être assuré qu’ils pouvaient l’être sans danger pour la chose publique et que sincère était leur repentir. Ils furent récroués en même temps que les trois condamnés auxquels l’arrêt faisait grâce de la vie. Quant à ceux qu’il frappait de mort, réunis, à l’exception de Mme  Aquet de Férolles, au greffe de la prison, ils furent avertis que cet arrêt, étant sans appel, il serait exécuté le même jour.

– Je demande un délai, dit le notaire Lefebvre au procureur général. J’ai des révélations importantes à faire. Mais on savait ce que valaient ses promesses. Le délai fut refusé. – Puisqu’il en est ainsi, reprit-il, j’emporterai mon secret au tombeau.

En hâte, sur la place du Vieux-Marché, là où jadis avait été brûlée vive Jeanne d’Arc, l’exécuteur des hautes œuvres Férex dressait la guillotine. À la tombée de la nuit, les neuf condamnés successivement y montèrent. On lit dans un rapport du préfet à Réal : « Cette affaire a attiré un concours de monde prodigieux. Hormis quelques légers désordres inséparables d’une immense réunion, tout s’est passé dans le calme. Le