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pour circonvenir les juges. » Régnier répondait : « J’aime à croire que les appréhensions que l’on conçoit à cet égard sont destituées de fondement. Néanmoins, j’écris au président et au procureur général pour les prévenir contre les efforts de l’intrigue et leur faire sentir combien il importe que leur fermeté et leur impartiale équité ne se démentent en aucun moment, en une circonstance aussi grave. »

Les débats, ouverts le 15 décembre dans la grande salle du palais de justice de Rouen, sous la direction du président Carel, durèrent quatorze jours. Ils avaient attiré une foule immense. Il fallut pour la contenir un déploiement inusité de force armée. L’attitude des accusés, au dire d’un témoin oculaire, « fut convenable ». Ni Mme de Combray ni sa fille ne cherchèrent à se défendre, comme si chacune d’elles eût redouté d’accuser l’autre en tentant de se justifier. Chauveau-Lagarde, tout en marquant, ainsi qu’il convenait, combien la conduite de la mère avait été différente de celle de la fille, les associa dans sa défense. En les désignant d’un geste, et répondant au ministère public qui avait requis la peine capitale, il demanda si la France « avait besoin du sang de ces femmes ». Après lui, les autres avocats eurent successivement la parole. Les débats furent clos le 30 décembre, vers midi. Les juges se retirèrent aussitôt pour délibérer.

À trois heures, en présence des accusés, lecture fut donnée de l’arrêt. Mme Aquet de Férolles, Lefebvre, Fierlé, Harel, Michel dit le Grand Charles, Lebrec, Le Hericey, Gauthier, Le Marchand, Pierre Buquet étaient condamnés à mort ; Vanier de la Chauvinière, Bureau de Placène, Lerouge dit Bornet, à vingt-deux ans de fer, la marquise de Combray à vingt-deux ans de réclusion et à l’exposition publique. À ces condamnations