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se retourna et la vit en contemplation « devant un gros clou, très saillant, placé à six pieds d’élévation ». Il fut convaincu qu’elle rêvait de se pendre. C’était la vérité. Les idées de suicide, de nouveau, la hantaient. Il ne témoigna rien de ses soupçons, se contentant de diriger la pensée de la malheureuse sur d’autres objets. « Quand je l’ai quittée, elle était d’une gaieté folle. Elle réunit la scélératesse à l’impudicité. Le vol de la voiture est surtout son ouvrage. » Des précautions cependant furent prises. « Elles sont nécessaires avec une femme capable de tout, qui sans aucun doute méprise la vie et ne craint pas la mort. En faisant ôter le fer, je ne pourrais ni enlever les verrous de la porte, ni les fers du lit dont elle pourrait se servir parce qu’elle est d’une très petite taille. J’ai donc fait venir hier une détenue que je lui ai donnée pour compagne. »

Dans un second interrogatoire, elle dénonça Vanier de la Chauvinière. Du reste, peu à peu, elle dénonçait nombre de gens que la police n’avait même pas soupçonnés : l’abbé Morand, le garçon d’écurie d’Argentan, Germaine la dentellière, maîtresse de Lanjalley, Gousset, le conducteur de la voiture, qu’elle prétendait avoir été dans le secret, Grenthe dit Cœur de Roi, l’huissier Guilbert que d’Aché avait employé au service de ses correspondances, les domestiques de Le Chevallier. Elle confirma tous les faits déjà relevés à la charge d’autres individus. Elle désigna de même Antonio, en ajoutant, il est vrai :

– Celui-là, vous ne l’arrêterez pas. Malheur à qui oserait porter la main sur lui ! Il est brave comme César et toujours armé jusqu’aux dents.

C’est en lui laissant entrevoir que, si elle secondait l’action de la justice, le gouvernement favoriserait l’évasion de son amant que Liquet lui arrachait des aveux.