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– Puisqu’on m’a livrée, s’écria Mme Aquet de Férolles, c’est à mon tour. Recevez sur-le-champ mes déclarations, monsieur. Portez-les à M. le préfet. Je veux tout avouer ; je ne cacherai rien. Je sais que je me perds. Mais la mort ne m’effraye pas. Voilà longtemps que je la cherche ; je m’y suis préparée. Voyez, ajouta-t-elle en montrant sa tête, j’ai coupé mes cheveux qu’on disait si beaux. Je n’ai pas voulu que le bourreau y portât la main.

Parlez donc, dit Liquet.

Et elle parla, accusant d’Aché, Le Chevallier, Antonio, Lefebvre. Elle les accusait et s’accusait. Ce n’était pas une femme qui veut se sauver, mais une femme qui se venge. Le lendemain, le préfet mandait à Réal en lui envoyant ces premiers aveux : « Ce qu’on n’a pas mis dans cette déclaration, c’est l’amour effréné qu’elle a pour Le Chevallier. Elle a dit à M. Liquet que, si elle pouvait sauver ses jours aux dépens des siens, elle n’hésiterait pas ; mais qu’elle voyait bien qu’il était perdu et que c’était une douceur pour elle de périr à ses côtés. Cet amour s’allie cependant avec de nombreuses infidélités. Elle se consolait avec l’avocat Lanjalley, de l’absence de Le Chevallier. Il n’est pas jusqu’au gendarme Chauvel qui n’ait eu ses faveurs. Mais le besoin journalier de sa protection pourrait expliquer ce sacrifice. »

Ce premier interrogatoire achevé et rédigé séance tenante par Liquet, elle le signa à toutes les pages. Puis, comme Liquet, au moment de se retirer, lui offrait, en récompense de ses aveux, de la faire mettre dans une chambre moins inconfortable :

– Non, non, s’écria-t-elle, laissez-moi dans celle-ci, j’y veux rester.

Surpris de cette résistance à une offre bienveillante, il