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– Je vous connais, répondit-il.

Jusqu’à ce moment, elle s’était flattée de l’espoir de recouvrer promptement sa liberté. Cet espoir, Liquet, d’un mot, venait de le détruire. Elle eut d’abord un accès de désespoir et de larmes. Elle voyait en toute son horreur l’abîme dans lequel elle était tombée. Elle reprochait à Liquet le piège qu’il lui avait tendu pour l’attirer hors de sa retraite. Comme elle regrettait de l’avoir quittée, cette retraite où jamais nul ne l’eût découverte ! Et puis, pourquoi l’avait-on arrêtée ? Pourquoi la retenait-on captive ? Elle n’avait rien à se reprocher. Elle demandait justice. Elle voulait voir le préfet, prouver son innocence.

– Vos dénégations sont inutiles, observa Liquet avec une belle émotion. Nous savons tout, nous sommes au courant de tout. Cessez de nier, avouez au contraire. C’est encore le meilleur moyen de vous créer des titres à la pitié de vos juges.

Elle s’apaisa, trompée par cette douceur d’accent, par la commisération feinte que trahissaient ces conseils.

– Mais si vous savez tout, c’est donc qu’on m’a dénoncée, trahie ! Quel est le misérable ?…

– Le notaire Lefebvre, avoua Liquet. C’est lui qui m’a mis sur vos traces. Une lettre de votre mère saisie sur le patron Delaistre a achevé de vous perdre.

Et Liquet tirait de sa poche cette lettre, signée de la marquise de Combray, la mettait sous les yeux de Mme  Aquet de Férolles. Sa mère la traitait « comme la plus vile des créatures », gémissait d’être obligée, pour sa propre sûreté, « de venir au secours d’un pareil monstre » et se plaignait amèrement « de ce que tout cela lui coûtait ». Au désespoir de tout à l’heure, à l’accablement qui l’avait suivi, cette lecture fit succéder l’exaspération et la fureur.