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de cette trempe, Mme Aquet de Férolles ne pouvait se dérober longtemps aux recherches. Elle n’était pas de taille à lutter. Au premier piège qui lui fut tendu, elle succomba.

Après un court séjour à Caen, Liquet était revenu à Rouen. Il y appela aussitôt le patron Delaistre, de Saint-Valery-en-Caux, dont il avait suffi que le nom fût prononcé par Mme de Combray comme celui d’un homme sûr pour lui suggérer le parti qu’il en pouvait tirer. Quel fut en cette affaire le rôle de Delaistre ? Sa bonne foi fût-elle surprise ? Crut-il servir Mme de Combray ? Compromis par ses relations avec elle, et pour acquérir des droits à la bienveillance de la police, se prêta-t-il à un rôle abominable ? Il nous a été impossible de le préciser. Les pièces du dossier établissent seulement qu’il écrivit vers la fin de septembre à « son ami » le gendarme Chauvel, pour l’avertir qu’il avait une lettre et de l’argent à remettre à Mme Aquet de Férolles de la part de sa mère, et qu’il irait les lui porter à Caen le 3 octobre.

Il est également prouvé que cette lettre existait, lettre très éloquente et très touchante, dans laquelle la marquise de Combray, après avoir reproché à sa fille son inconduite, l’adjurait de se confier au patron Delaistre « qui la passerait en Angleterre ». À la lettre était jointe une somme de trois mille francs comptée par un des hommes d’affaires de la marquise et destinée à pourvoir aux frais du voyage. Comment Liquet était-il parvenu à arracher ce papier à sa prisonnière ? Il est facile de reconstituer la scène, si l’on tient compte de la confiance qu’il inspirait à Mme de Combray.

– Madame la marquise, lui dit-il, on est sur les traces de votre fille. Si vous voulez la sauver, il n’est que temps.