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Dans l’histoire de tant d’actes mémorables et réparateurs que lui suggère son génie, il n’est pas d’épisode plus émouvant que celui de cette pacification. À cette époque, dix ans de guerres ardentes et terribles n’ont pas encore lassé le dévouement des partisans des Bourbons. En Vendée, en Bretagne, en Normandie, dans l’Anjou, ils sont toujours debout, commandés par des chefs intrépides. Leurs ressources sont épuisées ; leur courage ne l’est pas. Telle est leur attitude qu’il semble impossible que, tant qu’ils n’auront pas été exterminés, les armes tombent de leurs mains, à moins que le jeune général qui envoie contre eux ses meilleures troupes ne prenne l’engagement de rendre au roi de France sa couronne.

Cet engagement, sur ce qui leur est dit des intentions du premier Consul, ils ne désespèrent pas de l’obtenir de lui. Ils ouvrent l’oreille aux propositions pacifiques qu’il leur fait. Ils acceptent un armistice en vue de négocier pour la conclusion de la paix et envoient à Paris l’un d’eux, le chevalier d’Andigné, à l’effet de sonder les desseins de Bonaparte. Par l’entremise d’un agent royaliste, Hyde de Neuville, lié avec Talleyrand, d’Andigné obtient audience. Le ministre des Affaires étrangères le conduit au Petit Luxembourg, le 27 décembre 1799, à dix heures du soir, accompagné de Hyde de Neuville. L’entretien s’engage aussitôt sur les conditions de la paix.

Tant qu’il ne s’agit que de stipuler des avantages en faveur des départements insurgés, d’Andigné obtient de Bonaparte tout ce qu’il demande. Mais, quand il veut parler du roi, le premier Consul l’interrompt :

– Vous êtes donc royaliste ?

– Depuis dix ans, je combats pour la restauration de la monarchie. Comment pourriez-vous soupçonner que je ne suis pas royaliste ?