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aux menées d’Armand Le Chevallier. En vain elle l’interrogea. Il se flattait de l’espoir de la maintenir dans l’ignorance. Il refusa de répondre. De plus en plus alarmée, elle se confia à son confesseur, l’abbé Morand, vicaire à Falaise, celui-là même par qui Mme Aquet de Féroles avait fait célébrer deux messes « pour placer les voleurs sous la garde de Dieu ». Il adjura Lefebvre de parler, obtint ses aveux. Mme Lefebvre put mesurer ainsi l’étendue des périls que courait son mari et le pressa de s’y dérober par la fuite. Mais, déjà, il était signalé à la police. Dans le courant de septembre, elle l’arrêtait au moment où il se préparait à s’enfuir.

Chauvel assistait à l’arrestation. Il en prévint Mme Aquet de Férolles en lui remettant divers papiers compromettants pour Le Chevallier, qu’il avait dérobés parmi les pièces saisies.

– Il nous dénoncera tous ! s’écria-t-elle.

Elle ne s’était pas laissée prendre aux protestations de dévouement du notaire. Elle avait deviné que ce dévouement plus apparent que réel ne s’inspirait que du désir de s’approprier les fonds volés et que Lefebvre, dans l’espoir de se sauver, n’hésiterait pas, une fois incarcéré, à la trahir elle et tous les autres complices. Elle ne se trompait pas. Dès ses premiers interrogatoires, le misérable, pour se justifier, les accusa tous. Le dossier est démesurément grossi par les lettres que, du fond de sa prison, il écrivit à Fouché et à Réal. Il dénonce à tort et à travers les coupables et des innocents : Mme Aquet de Férolles, le chevalier de Godet, le directeur des postes de Louviers, celui de Gaillon, « dévoués l’un et l’autre à Mme de Combray et qui ont favorisé ses correspondances », un notaire d’Argentan, les employés de la recette d’Alençon, les garçons d’écurie Gauthier et Dussaussay qui avaient fait connaître à