Page:Daudet - La Police et les chouans sous le Consulat et l’Empire, 1895.djvu/24

Cette page n’a pas encore été corrigée

léon avait brisé les factions qui survivaient aux temps de la Terreur, tout était à refaire, à réédifier, à réorganiser : les lois, l’industrie, le commerce, les finances, en un mot, la société française. Guerre au dehors, guerre au dedans, les frontières menacées, le Midi victime de réactions sanglantes, l’Ouest en armes, les soldats sans pain, le trésor à sec, le crédit public épuisé, le déficit en permanence, les routes livrées aux bandits, les crimes impunis, les partis aux prises, deux clergés rivaux, les hommes de la Révolution disputant la place aux émigrés, le gouvernement déconsidéré, toute sécurité matérielle et morale détruite, tel était le douloureux spectacle que présentait la France.

Mais voici qu’en quelques semaines partout se fait sentir la main puissante du nouveau maître. Elle relève, redresse et répare. Elle imprime aux hommes et aux institutions une direction nouvelle. L’abominable loi des otages, œuvre malfaisante d’un Directoire en délire, est abrogée, la liste des émigrés close, l’accès des fonctions publiques rendu aux parents d’émigrés ainsi qu’aux nobles, le serment ecclésiastique aboli, l’outrageante cérémonie commémorative du 21 janvier supprimée.

En même temps qu’il s’efforce d’effacer ainsi la trace des discordes anciennes, Bonaparte reconstitue les pouvoirs publics. Il établit la législation financière sur des bases solides. Il rend les honneurs de la sépulture aux restes du pape Pie VI oubliés à Valence. Il restitue les églises aux prêtres, conçoit le plan du concordat qui réconciliera la France avec l’Église romaine et pour achever son œuvre, tandis qu’il prépare, contre la coalition européenne qui menace nos frontières, la campagne glorieuse qu’à quelques mois de là couronnera la victoire de Marengo, il entreprend de pacifier les contrées de l’Ouest, insurgées au nom du roi.