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blé et, chacun d’eux payé provisoirement d’une somme de cent cinquante francs, ils s’étaient séparés et dispersés. Personne n’ayant intérêt à parler, tout le monde au contraire ayant intérêt à se taire, ils ne redoutaient aucune dénonciation. Quant aux frères Buquet, après s’être faits les receleurs du vol et l’avoir caché un peu partout, dans les champs, dans un four, dans leur étable, dans des trous de muraille, ils s’en considéraient déjà comme les possesseurs et rêvaient aux moyens de se l’approprier en tout ou en partie.

Aussi, furent-ils impuissants à dissimuler leur mécontentement lorsque, le lendemain, dès le matin, Mme  Aquet de Férolles se présenta chez eux et leur demanda trois mille quatre cents francs. Elle était satisfaite du succès de la veille, confiante dans l’avenir. Elle avait commandé deux messes avec l’intention secrète de placer les voleurs sous la protection du ciel, afin qu’ils ne fussent pas découverts. Les Buquet n’osèrent repousser sa demande. De fort mauvaise grâce, ils lui comptèrent la somme. Elle la transporta dans une voiture à Falaise, chez le notaire Lefebvre, qui l’attendait pour acquitter des traites tirées sur Le Chevallier et qui avaient été protestées faute de payement.

Lefebvre s’étonna et se plaignit de recevoir si peu. Le Chevallier, avant de partir pour Paris, lui avait laissé, disait-il, la liste de ses dettes les plus pressées et les plus criardes, contractées dans l’intérêt du parti. Leur total dépassait de beaucoup la somme apportée par Mme  Aquet de Férolles. Il avait aussi besoin d’argent pour lui-même. Elle allégua la difficulté de transporter « tout ce numéraire » destiné à la caisse royaliste et dont, le même jour, le trésorier du parti, l’ancien chouan Bureau de Placène, était venu réclamer sa part au notaire. Elle promit pourtant à ce dernier de lui remettre encore, à