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émigré, arrêté, envoyé ensuite à la mort et sur lequel on l’avait saisi.

Je l’ouvris. Dans l’intérieur, pas de nom, rien qui me révélât ce qu’était son propriétaire. Mais, dans une des poches, un pétale de rose ; dans une autre, quelques lettres d’amour, écrites par une femme, qui se plaignait avec véhémence d’avoir été séduite et abandonnée, et enfin un petit paquet formant matelas. Je le défis, ce paquet, et d’entre ses plis se déroula une longue tresse de cheveux blonds qui se cassaient comme du verre au contact de ma main. Tout un drame de passion, dénoué par la mort, m’apparaissait ainsi. Bien qu’il n’eût aucun rapport avec le travail que je poursuivais, bien que je n’aie pu en pénétrer le mystère, j’ai conservé de ma découverte de ce jour-là un souvenir inoubliable. Un de messieurs les archivistes que j’appelai à mon secours m’aida à replier les blonds cheveux et à fermer le portefeuille, relique d’un passé sanglant. J’aurais beaucoup donné pour reconstituer l’histoire de ce passé. Je n’ai pu y parvenir. Le temps l’avait si bien enveloppé de son ombre qu’il était devenu impénétrable.

C’est une ombre égale, qui, trop souvent, enveloppe les faits d’ordre général. Elle aide à expliquer, encore que je croie en avoir tiré en vue de ce livre tout ce qui pouvait l’être, les lacunes qu’il contient. Tel qu’il est cependant, il constitue, à défaut d’autres mérites, une œuvre absolument neuve, une