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Le public ne se doute pas des satisfactions et des joies que goûtent les érudits et les historiens dans ces recherches à travers la poussière du passé. Trouver soudain, après de longues explorations parmi ces amas de paperasses jaunies, sous ces écritures souvent illisibles à force d’avoir été blanchies par le temps, trouver une pièce inédite, la preuve éclatante de quelque fait contesté, quelle ivresse ! Et de même, si l’on rencontre un document qu’on n’attendait pas, qu’on ne cherchait même pas, et qui éclaire à l’improviste, d’une lumière inattendue, une période demeurée obscure, ou vous fait pénétrer tout à coup, à travers quelque épisode romanesque, dans une âme inconnue ou fermée !

Un jour, aux Archives nationales, je fouillais dans les dossiers des émigrés, appliqué à reconstituer la physionomie d’un personnage dont j’avais lu le nom, en constatant la part prise par lui à certains événements, sans pouvoir établir comment il y avait été mêlé. D’un carton ouvert devant moi, je tirais l’une après l’autre des feuilles volantes couvertes d’écritures diverses et qui ne m’apprenaient rien. Tout à coup, me tomba sous la main un portefeuille en maroquin vert, à fermoir d’acier, entouré d’une mince corde rouge qui avait tracé son sillon dans la poussière durcie sur le cuir. Sans doute, il avait appartenu à quelque gentilhomme