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Pancemont rentrait dans sa ville épiscopale, escorté par un grand nombre de fidèles qui, sur la nouvelle de sa mise en liberté, s’étaient portés à sa rencontre. Quoique malade à la suite des émotions de cette journée, il s’occupa sans retard de remplir le programme qui lui était imposé.

La grosse difficulté consistait à réunir les vingt-quatre mille livres en or, exigées par La Haye Saint-Hilaire. À défaut du préfet qui ne les avait pas ou ne voulut pas les donner, le supérieur du grand séminaire fut chargé de les réunir. Ses démarches à cet effet aboutirent si vite et si bien qu’en moins d’une heure il eut douze mille francs de plus qu’il ne fallait. Aux vingt-quatre mille exigés pour la rançon de son secrétaire, l’évêque joignit le billet de La Haye Saint-Hilaire et sa croix de la Légion d’honneur. Quant à l’anneau jaune qui lui était demandé, anneau donné par l’Empereur et qui valait dix mille francs, il eut assez de présence d’esprit pour y substituer une bague de même apparence, mais qui n’avait coûté que quelques écus. Un homme sûr porta ces divers objets à Saint-Avé, dont le desservant devait les remettre à La Haye Saint-Hilaire. Les choses se passèrent comme celui-ci l’avait ordonné. Le lendemain de l’enlèvement, dans la soirée, l’abbé Jarry revenait à Vannes sain et sauf.

Il était chargé pour le préfet d’une très importante missive de La Haye Saint-Hilaire, dans laquelle celui-ci expliquait sa conduite : « L’otage que nous avons pris pour la délivrance de deux de nos camarades, disait-il non sans ironie, était trop méritant pour que nous pussions nous imaginer que vous en eussiez fait une victime. Nous l’avions donc exprès choisi pour qu’il n’en résultât aucun malheur. » Et plus loin : « La main sur la conscience, Monsieur, vous avez servi le roi. N’aimeriez-vous pas mieux être revêtu des dignités que vous