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de Pancemont, son esprit évangélique, sa longanimité n’avaient pu venir à bout. Ceux qui ne lui pardonnaient pas d’occuper la place de Mgr Amelot contestaient la légitimité de ses pouvoirs spirituels et excitaient ses ouailles à se révolter contre lui.

Quelques-uns poussaient l’audace jusqu’à protester sur son passage, ou même en son église cathédrale. Tout leur était bon pour servir de base aux calomnies, à l’aide desquelles ils s’efforçaient de détruire son prestige. Ils incriminaient son dévouement à l’Empereur ; ils lui reprochaient d’avoir renié le Roi : ils l’accusaient même de s’être emparé d’une somme de vingt-quatre mille francs, qu’au moment de rentrer en France, après un long séjour à l’étranger, il avait reçue des princes pour la distribuer aux chouans de Bretagne. Plusieurs prêtres, jadis aumôniers ou combattants dans les bandes royalistes, dirigeaient cette croisade, dans l’espoir de contraindre Mgr de Pancemont à descendre de son siège.

Parmi les plus ardents et les plus résolus, figurait un certain abbé Guillevic, ancien prieur de Ploemeur, un des amis et des conseillers de Georges Cadoudal, très brave homme, sexagénaire, prêtre de mœurs irréprochables, mais esprit turbulent, brouillon, déséquilibré. Déjà, à l’époque des guerres, les chefs sous lesquels il avait servi se plaignaient de son imagination déréglée. Avec les malheurs de son parti ses défauts s’étaient accentués. L’évêque de Vannes disait de lui : « Il a des talents et fort mauvaise tête. On ne peut lui accorder aucune confiance. » Ayant constaté qu’il s’exprimait avec véhémence contre le Concordat et ses auteurs, redoutant que son exemple ne devînt contagieux, il l’avait éloigné de Vannes. L’abbé Guillevic s’était alors rendu à Rennes. Autorisé par l’évêque de cette ville à exercer son ministère dans le diocèse d’Ille-et-Vilaine, il vivait à Redon.