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auraient assuré dans la société royale une place à part, alors même qu’il eût été roturier. Mais il était bon gentilhomme, né au château de Saint-Hilaire, dans les environs de Rennes. Sa mère, depuis la Révolution, habitait cette ville. Il avait un frère aîné, capitaine de dragons au service du roi d’Espagne, trois sœurs dont deux mariées, l’une à M. de Saint-Thomas, l’autre à M. Ricouard d’Hérouville. Dans cet intérieur à physionomie patriarcale, vivait une vieille servante, Anne Bouvet, qui avait élevé La Haye Saint-Hilaire. Maîtres et gens étaient dévoués aux chouans. La police le savait et les surveillait, espérant sans doute que ce rebelle insaisissable viendrait un jour se faire prendre dans la maison paternelle. Mais s’il osa s’y montrer après qu’il fut devenu passible des lois, elle l’ignora. Ce n’est qu’en juin 1806 qu’elle apprit son retour. Il venait d’arriver muni d’instructions du comte d’Artois, en vue d’un soulèvement dont, à lui comme à d’Aché, comme à Forestier, comme au chevalier de Céris, comme à tant d’autres, ce prince avait promis de venir, au moment opportun, prendre la direction, – promesse trompeuse, faite à vingt reprises, jamais tenue, et qui coûta la vie à la plupart de ceux qui y avaient ajouté foi.

Le caractère officiel de La Haye Saint-Hilaire ne saurait être mis en doute. Un matelot de Locmariaker, désigné dans les pièces sous le nom de Jean-Marie, jadis émissaire de Georges et doué d’une force physique peu commune, servait d’intermédiaire entre le comte d’Artois et son agent. Il allait et venait à cet effet de Bretagne en Angleterre, à l’abri de la croisière anglaise des îles d’Houat et d’Houëdic. Parmi les lettres que recevait La Haye Saint-Hilaire, il en est une en date du 30 décembre 1806, qui fut trouvée sur lui lors de son arrestation, et qui est restée au dossier. Signée du comte d’Artois, elle est ainsi conçue :