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En même temps, le courrier allant vers Brest, parti de Quimper derrière la diligence, la rejoignit. Les deux voitures durent s’arrêter, entourées d’individus armés, au nombre d’une douzaine, vêtus les uns d’habits bourgeois, les autres comme des paysans. Il n’y avait pas à s’y tromper. C’était la bande de Le Cat.

Le conducteur de la diligence et le courrier furent sommés de descendre de leur siège et de livrer l’argent qu’ils portaient. Ils déclarèrent l’un et l’autre qu’ils n’en avaient point appartenant à l’État. À l’appui de leurs dires, et comme on menaçait de les fusiller s’ils avaient menti, ils montrèrent la feuille de chargement dont ils étaient munis.

– C’est bon, dirent les inconnus ; nous allons visiter la diligence. Malheur à vous si vous nous trompez.

Ils ouvrirent la portière, ordonnèrent aux voyageurs de sortir de la voiture et d’exhiber leurs passeports. Tous obéirent, à l’exception d’Audrein. Le vieux prêtre mesurait l’étendue du péril qui venait de se dresser devant lui, et peut-être espérait-il s’y dérober en évitant de se montrer.

– Je n’ai pas de passeport, dit-il.

– Descendez tout de même, lui fut-il répondu.

Mais il ne bougeait pas. Alors, le chef de la bande, Charles-François Le Cat, reconnaissable à sa carmagnole bleue, à son gilet rouge, à son pantalon garni de cuir et à son chapeau enveloppé de toile cirée, s’élança dans la voiture et saisit Audrein au collet, en dirigeant sur son visage la lumière d’une lanterne dont il s’était emparé.

– Je te reconnais, Audrein le louche ! s’écria-t-il. C’est toi que je cherchais. Tu as voté trois fois la mort du Roi sous trois noms différents. Tu vas mourir.

Quoique déjà d’un grand âge, Audrein possédait