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désigné aux vengeances et ne pouvait l’ignorer. Peut-être se répétait-il, à cette heure, les arguments à l’aide desquels il aurait pu justifier sa conduite dans le passé s’il eût été contraint d’en rendre compte. Aucun de ses actes ne permettait de le considérer comme un homme méchant ou cruel. Prêtre, il avait prêté serment à la constitution civile du clergé. Mais c’était à ses yeux l’unique moyen de sauver la religion. Membre de la Convention, il avait voté la mort du Roi, mais sous la réserve d’un sursis à l’aide duquel il croyait pouvoir épargner à l’infortuné Louis XVI les horreurs de l’échafaud. Avant et après, en plus d’une circonstance, il s’était montré humain et généreux. Pendant les massacres de Septembre, il s’était entremis pour les arrêter. Plus tard, il avait contribué à tirer du Temple Madame Royale et à l’envoyer en Autriche.

Mais de quel poids pouvaient peser ces actes accidentels, en regard de tous ceux que lui reprochaient les catholiques bretons, victimes de la plus effroyable persécution religieuse ? De ces persécutions encouragées par sa présence, le serment qu’il avait prêté en violation des droits du Saint-Siège, sa participation aux crimes révolutionnaires et deux années d’épiscopat le rendaient responsable au même degré que s’il en eût été l’instigateur. Il n’avait donc aucune grâce à espérer s’il tombait aux mains des chouans et les précautions dont il s’entourait pour leur échapper ne sauraient être considérées comme superflues.


II