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générale les accusés quittaient la salle d’audience, dans celle où venaient de se retirer les juges se passa une scène qui n’est pas la moins extraordinaire de cette dramatique affaire, si féconde en péripéties mystérieuses. L’un d’eux, le capitaine adjudant Virot, attaché à l’état-major de la 22e division militaire, refusait de signer le jugement, en déclarant que les malheureux qu’on venait de condamner n’étaient pas les vrais coupables.

– Les coupables me sont connus, disait-il. Ce sont des agents de police. Ils ont été exilés en Angleterre. J’ai visé moi-même leurs passeports.

Les instances de ses collègues ne purent changer son attitude. Le même jour, il partait pour Paris, afin d’y faire entendre la vérité. En y arrivant, il courut aux Tuileries. Bonaparte était absent. Il parvint à Joséphine. Elle l’écouta, mais déclara ne vouloir se mêler de rien. Il se présenta alors chez le ministre de la Justice. Il y apprit que les condamnés venaient de subir leur peine. Ils avaient été exécutés le 3 novembre, à dix heures du matin.

À cette date, le général Girardon, commandant à Angers, écrivait à Fouché : « Citoyen ministre, le jugement rendu hier par le tribunal spécial, qui a condamné à mort Gaudin, dit Monte-au-Ciel, Canchy et Mauduisson est exécuté. Lacroix et sa femme ont subi l’exposition. La ville d’Angers est tranquille, et malgré les différentes sensations que les débats et les talents des défenseurs avaient fait naître, la décision du tribunal qui jouit de l’estime universelle a imposé silence et a été respectée. La ville est tranquille. »

À un détail près, cette lettre disait vrai. Ce détail est celui-ci. Pendant que Mme  Lacroix était attachée au pilori, un bouquet fut jeté à ses pieds. On raconta qu’un courrier parti de Paris avec l’ordre de faire surseoir à