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où on les conduisait, ni ce qu’on voulait faire d’eux.

On fut bientôt en vue d’Azay-sur-Cher. On fit halte avant d’y arriver, à l’entrée d’une avenue, à l’extrémité de laquelle on apercevait, à travers les arbres, un petit château désigné dans la contrée sous le nom de château de Beauvais. Ancienne propriété féodale, jadis habitée par Miron, le médecin de François Ier, cette terre appartenait à M. Clément de Ris, avocat de Paris, fils d’un ancien procureur au Parlement, devenu, depuis quelques mois, membre du Sénat conservateur et désigné, en cette circonstance, au choix du premier Consul par la part qu’il avait prise à la création de l’École normale. M. Clément de Ris était établi en Touraine depuis 1791. Membre du Conseil général en 1793, accusé de modérantisme et arrêté, il avait dû son salut à la protection de Sieyès. Accueillant et serviable, estimé et honoré, il ne se connaissait pas d’ennemis. Tous les ans, il venait passer la belle saison en son château de Beauvais. Il s’y trouvait encore en ce commencement d’automne avec sa femme et son fils.

Arrivés à portée de sa demeure, les bandits, poussant toujours devant eux leurs prisonniers, entrèrent dans un petit bois, à droite de l’avenue, et une fois là, descendirent de cheval. Ils ouvrirent alors leurs valises, en tirèrent des uniformes de hussards dont ils se furent revêtus en un tour de main ; puis, leur métamorphose achevée, ils se distribuèrent des cartouches, des armes, ainsi que des cordes, au grand effroi des témoins de cette scène. Un bruit de voiture les surprit au milieu de ces préparatifs, les fit se jeter hors du bois. Cette voiture appartenait à M. Clément de Ris. Elle revenait de Tours d’où elle ramenait une Mme  Bruley, invitée à passer quelques jours au château.