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L’ENLÈVEMENT D’UN SÉNATEUR

I

Le 23 septembre 1800 (1er vendémiaire de l’an IX), quatre individus, montés sur des chevaux lourds d’allures et harnachés sans élégance, arrivaient, vers midi, dans le village de Saint-Avertin, non loin de Tours, mettaient pied à terre devant l’unique auberge de l’endroit, et, entrant dans la grande salle, le geste haut et la parole impérieuse, demandaient à manger. Bien qu’il fût assez difficile de préciser leur âge, l’aubergiste, à qui ils étaient inconnus, fut aussi frappé par leur air de jeunesse qu’il venait de l’être par leurs manières conquérantes.

Le plus âgé semblait avoir à peine trente ans. Il portait un bonnet vert, un de ces bonnets à soufflet, dits à l’anglaise, dont on peut voir le spécimen sur les gravures du temps. Les autres étaient coiffés du chapeau à trois cornes, qui survivait encore, ainsi que la queue tombant dans le cou, aux modes anciennes en train de disparaître. À la couleur près, leurs vêtements étaient pareils : longue redingote à boutons de métal, ouverte sur le gilet montant, cravate épaisse nouée assez large pour permettre au menton de s’y enfoncer, culotte ajustée