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il se surprend à dire le Benedicite. À part ces légères méprises, le digne homme débite son office très consciencieusement, sans passer une ligne, sans omettre une génuflexion ; et tout marche assez bien jusqu’à la fin de la première messe ; car vous savez que le jour de Noël le même officiant doit célébrer trois messes consécutives.

« Et d’une ! » se dit le chapelain avec un soupir de soulagement ; puis, sans perdre une minute, il fait signe à son clerc ou celui qu’il croit être son clerc, et…

Drelindin din !… Drelindin din !

C’est la seconde messe qui commence, et avec elle commence aussi le péché de dom Balaguère. « Vite, vite, dépêchons-nous, » lui crie de sa petite voix aigrelette la sonnette de Garrigou, et cette fois, le malheureux officiant, tout abandonné au démon de gourmandise, se rue sur le missel et dévore les pages avec l’avidité de son appétit surexcité. Frénétiquement il se baisse, se relève, esquisse les signes de croix, les génuflexions, raccourcit tous ses gestes pour avoir plus tôt fini. À peine s’il étend ses bras à l’Évangile, s’il frappe sa poitrine au Confiteor. Entre le clerc et lui c’est à qui bredouillera le plus vite. Versets et répons se précipitent, se bousculent. Les mots à moitié prononcés, sans ouvrir la bouche, ce qui prendrait trop de temps, s’achèvent en murmures incompréhensibles.