Page:Daudet - La Belle-Nivernaise, 1886.djvu/209

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

neige, par le brouillard, plutôt que de laisser voir notre misère. Toujours myope et plus troublé que jamais, je gagne la porte et me glisse au dehors, non sans m’empêtrer dans les tentures. « — Monsieur ne prend pas son pardessus ? » me crie un valet de pied.

Me voilà, à deux heures du matin, loin de chez moi, lâché par les rues, affamé, gelé, et la queue du diable dans ma poche. Tout à coup, la faim m’inspira, une illumination me vint : « Si j’allais aux halles. » On m’avait souvent parlé des halles et d’un certain G…, ouvert toute la nuit, chez lequel on mangeait pour trois sous des soupes aux choux succulentes. Parbleu, oui, j’irai aux halles. Je m’attablerai là comme un vagabond, un rô-