Page:Daudet - La Belle-Nivernaise, 1886.djvu/195

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

cha, ce qui était déjà un fort bon signe. Puis tous les trois se regardaient sans parler.

C’était le plein midi du jour ; il faisait une chaleur, une lumière… Tout le petit clos avait l’air de dormir. On n’entendait que le crépitement des genêts sauvages crevant leurs cosses au soleil, les sources chantant sous l’herbe et les oiseaux alourdis qui voletaient entre les feuilles avec un bruit d’éventail ouvert et refermé. De temps en temps, une figue trop mûre se détachait et dégringolait de branche en branche. Alors, Sidi-Lakdar tendait la main, et, d’un air fatigué, portait le fruit jusqu’à sa bouche. L’enfant, lui, ne prenait pas même cette peine. Les plus belles figues tombaient à ses côtés sans qu’il tournât seulement la tête. Le maître, du coin de l’œil, observait cette magnifique indolence ; mais il continuait à ne souffler mot.

Une heure, deux heures se passèrent ainsi. Pensez que le pauvre tourneur de tuyaux de pipe commençait à trouver la séance un peu longue. Pourtant, il n’osait rien dire, et demeurait là, immobile, les yeux fixes, les