Page:Daudet - La Belle-Nivernaise, 1886.djvu/19

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Ils étaient partis depuis le matin, le mari poussant la charrette, la femme un paquet dans son tablier, les deux garçons les mains dans leurs poches.

Et maintenant, rattrape-les.

Les passants se récriaient indignés, puis continuaient leur chemin.

Il était là depuis midi, le malheureux mioche !

Sa mère l’avait assis sur une chaise et lui avait dit :

— Sois sage.

Depuis, il attendait.

Comme il criait la faim, la fruitière d’en face lui avait donné une tartine de confiture.

Mais la tartine était finie depuis longtemps, et le marmot avait recommencé à pleurer.

Il mourait de peur, le pauvre innocent ! Peur des chiens qui rôdaient autour de lui ; peur de la nuit qui venait ; peur des inconnus qui lui parlaient, et son petit cœur battait à grands coups dans sa poitrine, comme celui d’un oiseau qui va mourir.

Autour de lui le rassemblement grandissait et l’agent ennuyé l’avait pris par la main pour le conduire au poste.

— Voyons, personne ne le réclame ?

— Un instant !

Tout le monde se retourna.

Et l’on vit une grosse bonne figure rougeaude qui