Page:Daudet - La Belle-Nivernaise, 1886.djvu/179

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Eh bien ! soit, dit le saint… Pour ton père, je te l’accorde… mais tu sais, collègue, c’est bien convenu. Tu passeras seulement le bout du nez, juste ce qu’il faut pour voir.

— Pas davantage…

Donc le céleste porte-clefs entre-bâille la porte, et dit à Jarjaille : « Tiens ! regarde… » Mais tout d’un temps virant l’échine, voilà mon Jarjaille qui entre à reculons dans le Paradis.

— Qu’est-ce que tu fais ? lui dit saint Pierre.

— La grande lumière m’aveugle, répond l’homme de Saint-Rémy, il faut que j’entre de dos. Mais, soyez tranquille, selon votre parole, quand j’aurai mis le nez je n’irai pas plus loin.

— Allons ! pensa le bienheureux, je me suis pris le pied dans ma musette. Et mon gredin est dans le Paradis.

— Oh ! dit Jarjaille, comme vous êtes bien ici ! Comme c’est beau ! Quelle musique !…

Au bout d’un moment, le saint portier lui dit : « Quand tu auras assez regardé… puis après tu sortiras, je suppose… C’est que je n’ai pas le temps, moi, de rester là. »

— Ne vous gênez pas, répondit Jarjaille, si vous avez quelque chose à faire, allez-y. Moi, je sortirai… quand je sortirai. Rien ne presse.