Page:Daudet - La Belle-Nivernaise, 1886.djvu/178

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

le mot, et il y en eut un qui se mit à dire : « Vois Matéri, qui porte la croix ! » Un peu plus loin, un autre recommence : « Vois Matéri, qui porte la croix ! » Finalement, un troisième le montre en disant : « Vois, vois Matéri ce qu’il porte !… » Matéri, dépatienté, répliqua : « Ce que je porte ?… si je te portais, toi, je porterais pour sûr un fier viédaze… » Là-dessus, il eut un coup de sang, et mourut sur sa colère.

— Pauvre Matéri… Alors faites-moi voir ma tante Dorothée, qui était si… si dévote…

— Elle doit être au diable, je ne la connais pas.

— Oh ! ben ! si celle-là est au diable ça ne m’étonne pas. Figurez-vous qu’avec ses grands airs dévotieux…

— Jarjaille, je n’ai pas le temps. Il faut que j’aille ouvrir la porte à un pauvre balayeur des rues que son âne d’un coup de pied vient d’envoyer en Paradis.

— Ô grand saint Pierre, d’abord que vous avez tant fait et que la vue n’en coûte rien, laissez-moi le voir un peu votre paradis. On dit que c’est si beau…

— Té ! pardi !… Plus souvent que je vais laisser entrer un vilain huguenot comme toi…

— Allons, grand saint ! songez que mon père, qui est marinier du Rhône, porte votre bannière aux processions…