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crains bien que, cette fois, ta jolie note à la Brizeux, toute ta grâce forestière, n’aient été sacrifiées, jetées en péage dans la gueule de Crocodilus. »

Ce surnom de Crocodilus que Védrine retrouvait au fond de sa mémoire écolière les amusa une minute. Ils voyaient Astier-Réhu dans sa chaire, le front fumant, la toque en arrière, une aune de ruban rouge sur le noir de sa toge, accompagnant de son geste solennel à grandes manches ses plaisanteries du répertoire : « Tirez, tirez, ils ont pissé partout !… » ou ses déclamations rondouillardes en style de Vicq d’Azir dont il devait plus tard occuper le fauteuil. Puis, comme Freydet, pris d’un remords de railler ainsi son vieux maître, vantait son œuvre historique, tant d’archives remuées, tirées pour la première fois de la poussière :

« Rien du tout, » fit Védrine d’un parfait dédain. Pour lui, les archives les plus curieuses aux mains d’un imbécile n’avaient pas plus de signification que le fameux document humain quand c’est un sot romancier qui l’utilise. La pièce d’or changée en feuille morte !… Et s’animant : « Voyons, est-ce que cela constitue un titre d’historien, ce délayage de pièces inédites en de lourds in-octavo que personne ne lit, qui figurent dans les bibliothèques au rayon des livres