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l’entendre. On rencontrait d’Athis à l’église, puis rue de Beaune, en grand mystère, et Colette convenait bientôt que lui seul aurait pu la faire renoncer au veuvage… Mais, quoi ? son pauvre Rosen l’avait aimée si dévotement, si uniquement !

« Oh ! uniquement !… » faisait Mme Astier dans un petit sourire renseigné que suivaient des allusions, des demi-mots, et, comme toujours, l’empoisonnement de la femme par la femme. « Mais, chère amie, il n’y a pas d’amour unique, de mari fidèle… les honnêtes, les élevés s’arrangent pour ne pas attrister, humilier leur femme, troubler le ménage…

— Alors vous croyez qu’Herbert ?…

— Mon Dieu ! comme les autres. »

La princesse se révoltait, boudait, fondait en ces larmes faciles, sans douleur, d’où la femme sort apaisée et rafraîchie comme une pelouse après l’ondée. Tout de même, elle ne cédait pas, au grand dépit de Mme Astier bien loin de soupçonner la cause réelle de cette résistance.

Le vrai, c’est qu’à force d’examiner ensemble ce projet de mausolée, frôlant leurs mains et leurs cheveux sur les plans, les esquisses de caveaux et de statues funèbres, Paul et Colette s’étaient pris l’un pour l’autre d’une sympathie de camarades, peu à peu devenue plus tendre, jusqu’au jour où Paul