Page:Daudet - L’Immortel (Lemerre 1890).djvu/53

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de s’extasier sur les grâces viriles du jeune héros dont l’image en pied, en buste, de profil ou de trois quarts, sculpture, peinture, se dressait par tout l’hôtel.

Au contraire, une dépréciation graduée et savante : « Ne trouvez-vous pas, chère amie… ces portraits du prince lui font la mâchoire trop lourde… sans doute, je veux bien, il avait tout ceci un peu fort, un peu épais… » et, à tout petits coups empoisonnés, avec une douceur, une adresse infinies, se reprenant quand elle allait trop loin, guettant le sourire de Colette à une malice appuyée, elle arrivait à lui faire convenir que son Herbert avait toujours été pas mal reître, plus gentilhomme de nom que de façons, sans le grand air, par exemple, de ce prince d’Athis rencontré, l’autre dimanche, sur le perron de Saint-Philippe. « Si le cœur vous en dit, il est à marier, ma chère… » Ceci jeté comme en l’air, sur un ton de badinage ; puis repris, présenté plus clairement. Eh ! pourquoi pas ? toutes les convenances y seraient, grand nom, situation diplomatique considérable ; et pas de changement à la couronne ni au titre, ce qui avait bien son importance ménagère : « Enfin, ma chère, s’il faut vous l’apprendre, un homme qui a pour vous le plus vif sentiment… »

Ce mot de sentiment blessa d’abord la princesse comme un outrage, mais elle s’habitua à