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le deuil de la princesse supprima. Dans son éclatante rupture avec le monde, madame Astier fut seule exceptée ; seule, elle put franchir le perron de l’hôtel changé en couvent où pleurait la pauvre Carmélite noire à tête rase ; seule, elle fut admise à entendre, deux fois par semaine, la messe dite à Saint-Philippe pour le repos de l’âme d’Herbert, et aussi la lecture des lettres que Colette écrivait tous les soirs à son cher absent, lui racontant sa vie, l’emploi de ses journées. Il y a dans le deuil le plus austère des détails matériels qui déshonorent la douleur mais que veut le monde, commandes de livrées, draperies d’équipages, l’écoeurant contact du fournisseur aux façons hypocrites et dolentes ; de tout cela Mme Astier s’était chargée avec une patience inlassable, et prenant en tutelle cette lourde maison que de beaux yeux brouillés de larmes ne pouvaient plus conduire, elle épargnait à la jeune veuve tout ce qui dérangeait son désespoir, ses heures pour prier, pleurer, correspondre « au delà, » et porter des brassées de