Page:Daudet - L’Immortel (Lemerre 1890).djvu/43

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

« On sonne… dit vivement Léonard, déjà levé, la serviette au dos de sa chaise… Ce doit être mon homme.

— Quelqu’un pour madame… Ils commencent de bonne heure, aujourd’hui !… »

Corentine posait une carte au bord de la table, de ses gros doigts de cuisine essuyés vivement à son tablier. Mme Astier regarda la carte. « Vicomte de Freydet ; » un éclair traversa ses yeux… Et tout haut, d’un ton posé qui cachait sa joie : « M. de Freydet est donc à Paris ?…

— Oui, pour son livre…

— Ah ! mon Dieu ! son livre… Et moi qui ne l’ai pas encore coupé… De quoi ça parle-t-il, ce livre-là ?… »

Elle précipitait ses dernières bouchées, lavait le bout de ses doigts blancs dans son verre pendant que son mari lui donnait distraitement quelques notions sur le nouveau volume de Freydet… Dieu dans la Nature, poème philosophique… En instance pour le prix Boisseau… « Oh ! il l’aura, n’est-ce pas ?… Il faut qu’il l’ait… Ils sont si gentils, lui et sa sœur… Il est si bon pour cette pauvre paralytique. »

Astier eut un geste évasif. Il ne pouvait répondre de rien, mais il recommanderait certainement Freydet, qui lui semblait en progrès réel. « Mon appréciation personnelle, s’il vous la demande,