Page:Daudet - L’Immortel (Lemerre 1890).djvu/38

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Décidément, Teyssèdre l’avait tout à fait mal tourné.

Alors Mme Astier parla de la grande séance des cinq Académies, proche de quelques jours et à laquelle assisterait le grand-duc Léopold de Finlande. Justement Astier-Réhu, directeur pour ce trimestre, devait présider la séance et prononcer le discours d’ouverture avec un compliment à Son Altesse. Et adroitement interrogé sur ce discours dont il formait déjà le plan, Léonard en indiqua les grandes lignes, une charge à fond contre l’école littéraire moderne, de solides étrivières données publiquement à ces bélitres, à ces babouins !…

Ses larges prunelles de gros mangeur s’allumaient dans sa face carrée où le sang montait sous l’épaisse broussaille des sourcils restés d’un noir de houille, en contraste avec le collier de barbe blanche.

« A propos, dit-il brusquement, et mon habit ?… l’a-t-on visité ?… Quand je le mis la dernière fois, pour enterrer Montribot… »

Mais, est-ce que les femmes ne pensent pas à tout ? Mme Astier l’avait soigneusement visité, le matin même, cet habit de cérémonie. La soie des palmes s’éraillait, la doublure ne tenait plus. Un vieil habit, dam !… qui datait de… Eh ! mon Dieu, de sa réception… 12 octobre 1866… Le mieux serait de s’en commander un neuf pour la séance.