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tisan, bien qu’un peu gêné par sa fille, mais le philosophe était une influence à l’Académie !

Le café pris, sur la terrasse, Laniboire, le teint carminé comme un apache, cria : « Allons travailler, mademoiselle Moser, je me sens en train… Je crois que je vais finir mon rapport aujourd’hui. » La douce petite Moser qui lui servait parfois de secrétaire se leva un peu à regret. Par ce beau temps voilé des premières brumes de l’automne, elle eût préféré une grande promenade ou peut-être continuer dans la galerie la conversation avec M. Paul si joli, si bien élevé, plutôt que d’écrire sous la dictée du père Laniboire l’éloge de vieilles bonnes dévouées ou d’infirmières modèles. Mais son père la pressait : « Va, va, ma fille… le maître t’appelle… » Elle obéit, monta derrière le philosophe, suivie du vieux Moser qui allait faire sa sieste. Qu’arriva-t-il alors ? De quel drame fut témoin la chambre de Laniboire qui, s’il avait le nez de Pascal, n’en imitait pas la réserve. Au retour d’une longue course à travers bois pour apaiser ses impatiences ambitieuses, Paul Astier aperçut dans la cour d’honneur le break avancé au bas du grand escalier, ses deux fortes bêtes piaffantes, et Mlle Moser déjà montée, assise au milieu des sacs de nuit, des mallettes, pendant que, sur le perron, Moser éperdu, sondant ses poches, distribuait des pourboires à deux