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pli, sa nuque solide et splendide : « C’est là, voyons, c’est là que les femmes ont leur jeunesse… »

Ah ! ça ne traîna pas. Des mains fougueuses et savantes continuant son geste esquissé, peignoir, agrafes, tout craquait, tout volait par la chambre ; et prise, emportée, jetée aux draps ouverts, une flamme passa sur elle en tourbillon, quelque chose de puissant, de doux, d’irrésistible, dont rien, jusqu’à ce jour, n’avait pu lui donner l’idée, qui la roulait, l’enveloppait, s’apaisait pour revenir, pour la reprendre, l’étreindre, l’engloutir encore, sans fin… S’y attendait-elle en entrant ? Est-ce là, comme il dut le croire, ce qu’elle venait chercher ? Non ! Délire d’orgueil blessé, vertige de fureur, nausée, dégoût, toute la femme à l’abandon comme dans une nuit de naufrage ; mais jamais rien de vil chez elle ni de machiné.

Maintenant la voilà debout, elle reprend possession d’elle-même, et doute et s’interroge… Elle !… Ce jeune homme !… et si vite !… c’est à pleurer de honte. Lui, dans ses genoux, soupire : « Puisque je vous aime… puisque je vous ai toujours aimée… rappelez-vous… » et sur ses mains et se communiquant à tout son être, elle sent de nouveau voleter, courir ces bouleversantes flammes en ondes. Mais un clocher sonne très loin, des rumeurs claires passent dans le matin… elle s’ar-