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à des filles fameuses, mortes maintenant, disparues ou richement mariées, des reçus de maîtres d’hôtel, de garçons de cercle, toutes les formes de l’usure parisienne et d’une liquidation de viveur, Mari’ Anto grondait sourdement : « Plus cher que Mousseaux, vous voyez, la restauration de ce gentilhomme !… J’avais ça dans un chiffonnier depuis des années, parce que je garde tout ; mais je jure Dieu que je ne comptais pas m’en servir… À présent, j’ai changé d’idée… Le voilà riche… je veux mon argent et l’intérêt de mon argent ; sinon, je plaide… N’ai-je pas raison ?

— Cent fois raison… seulement… » il effilait la pointe fauve de sa barbe… Est-ce que le prince d’Athis n’était pas interdit quand il avait signé ces traites ?

« Oui, oui, je sais… Brétigny m’a dit… car ne pouvant rien par Lavaux, on a écrit à Brétigny pour lui demander son arbitrage… Entre académiciens, n’est-ce pas ?… » Elle eut un rire de mépris qui mettait l’ambassadeur et l’ancien ministre au même niveau comme titres académiques, puis dans un éclat indigné : « Certainement, j’aurais pu ne pas payer, mais je le préférais plus propre… donc, je n’ai que faire d’un arbitrage… J’ai payé, qu’on me rembourse… ou alors en justice, et du scandale, et de la boue sur son nom, sur son titre d’envoyé de France à Pétersbourg…