la pauvre Mari’ Anto, quand fatiguée d’errer sur les pas de son chagrin elle s’appuyait des deux coudes à la rampe, les yeux perdus. Sa vie lui apparaissait dévastée, en détresse, et à un âge où il est difficile de la recommencer. Des voix grêles montaient de Mousseaux groupant quelques maisons basses sur la levée ; l’amarre d’un bateau grinçait dans la nuit fraîchissante. Comme c’eût été facile, rien qu’en accentuant un peu son mouvement découragé, jeté en avant… Mais que dirait le monde ? À son âge, une femme de son rang, ce suicide de grisette abandonnée.
Le troisième jour, arriva le billet de Paul et, en même temps, dans les journaux, le procès-verbal circonstancié du duel. Elle en eut comme la chaleur joyeuse d’une étreinte. Quelqu’un l’aimait donc encore, qui avait voulu la venger au prix de la vie ; et cela ne signifiait pas l’amour à ses yeux, seulement une affection reconnaissante, le souvenir des services rendus à ce jeune homme et aux siens, peut-être aussi le besoin de réparer la traîtreuse attitude de la mère. Noble enfant, brave enfant ! À Paris, elle serait allée vers lui tout de suite, mais ses invités s’annonçant, elle ne put que lui écrire, envoyer son médecin.
D’heure en heure, les arrivages se succédaient, par Blois, par Onzain, Mousseaux se trouvant à égale distance des deux stations ; et le landau, la