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le cou si sa femme, fine entre les fines, ne l’avait guidé à son insu.

C’est Lavaux qui m’a détourné de publier, d’ici la prochaine vacance de fauteuil, mes Pensées d’un rustique. « Non, non, m’a-t-il dit… vous avez assez fait… si même vous pouviez donner à entendre que vous ne produirez plus, que vous êtes fini, à bout, simple homme du monde… l’Académie adore cela. » À joindre au précieux avertissement de Picheral : « Ne leur portez pas vos livres. » Je vois que moins on a d’œuvres, plus on a de titres. Très influent, le Picheral ; encore un que nous aurons cet été, une chambre au second, peut-être l’ancien serre-tout, tu verras. Voilà bien du tracas, ma pauvre Germaine, et dans ton état de souffrance. Mais, que veux-tu ? C’est déjà si fâcheux de ne pas avoir maison à Paris pendant l’hiver, de ne pas recevoir comme Dalzon, Moser et tous mes autres concurrents. Ah ! soigne-toi, guéris-toi, mon Dieu…

Pour revenir à mon dîner, on y a naturellement beaucoup parlé de l’Académie, de ses choix, de ses devoirs, du bien et du mal que le public en pense. Selon nos Immortels, tous les détracteurs de l’institution, tous, sont de pauvres hères qui n’ont pu y entrer ; quant aux oublis en apparence inexplicables, chacun eut sa raison d’être. Et comme je citais timidement le nom de Balzac, notre grand