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bien à la colère de son mari constatant le vol ; mais cela lui semblait confus, très lointain, peut-être même était-elle heureuse d’ajouter cette épreuve à tous les tremblements ressentis depuis la veille : « Encore ça que mon enfant me coûte. »

C’est que sous ses dehors tranquilles, sous sa patine de mondaine académique, il y avait chez elle ce qu’il y a chez toutes, du monde ou pas du monde, la passion. Le mari ne la trouve pas toujours, cette pédale qui met le clavier féminin en mouvement ; l’amant lui-même la manque quelquefois, jamais le fils. Dans le triste roman sans amour, que sont tant d’existences de femmes, c’est lui le héros, le grand premier rôle. À son Paul, surtout depuis qu’il avait l’âge d’homme, Mme Astier devait les seules vraies émotions de sa vie, les délicieuses angoisses de l’attente, les pâleurs, les froids, les brûlures au creux des mains, les intuitions surnaturelles qui font dire infailliblement : « le voilà ! » avant que la voiture s’arrête, toutes choses ignorées d’elle, même aux premières années du mariage, même au temps où le monde l’accusait de légèreté, où Léonard Astier disait avec bonhomie : « C’est singulier… Je ne fume jamais, et les voilettes de ma femme sentent le tabac… »

Oh ! son affolement d’inquiétude, quand elle arriva rue Fortuny et qu’un premier coup de son-