Page:Daudet - L’Immortel (Lemerre 1890).djvu/133

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Ma… lé prince d’Athis ?…

— Jamais il ne l’épousera… »

On peut croire Lavaux, qui est l’ami du prince, de la duchesse aussi du reste, mais qui dans la très prochaine craqûre du ménage s’est mis du côté qu’il suppose le plus solide : « Allez-y donc carrément, mon cher comte… Il y a là de l’argent, beaucoup d’argent… des relations … la femme pas trop décatie…

— Cristo ! qu’elle est bella !… » soupire l’autre.

Danjou ricane : « Sympathique, surtout. »

Et le garde-noble, après un court étonnement, ravi de se rencontrer avec un académicien de tant d’esprit : « Si, si… sympathica … precisamenté … zé mé le pensais…

— Et puis, reprend Lavaux, si vous aimez les eaux de teinture, postiches, bandages, sous-ventrières, vous serez servi… On la dit bardée, ceinturée de cuir et de fer en dessous… la meilleure cliente de Charrière… »

Il parle tout haut, sans aucune gêne, en face de la salle à manger dont la porte-fenêtre entr’ouverte éclaire sa large face rubiconde et cynique d’affranchi, de parasite, et souffle encore une haleine chaude de truffes, de salmis, tout le somptueux dîner qu’il vient de faire et qu’il éructe en basses et ignobles calomnies. Tiens ! les voilà, tes truffes farcies ; les voilà, tes gélinotes et tes