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s’était levée dans un mouvement oratoire…

« Où es-tu maintenant, pauvre âme ? Comme tu souffres, comme tu maudis ceux qui t’ont laissée sans secours… » Elle continua sur ce ton prophétique, mais Éline ne l’entendait plus, d’abord gênée, puis le cœur serré, les larmes prêtes, à l’idée que sa grand-mère pouvait souffrir et par sa faute. C’était, cette Éline Ebsen, sous des dehors tranquilles, une âme vibrante où dormait toute la femme du Nord, sentimentale et mystique. « Grand’mère souffre… » Son cœur éclata, sorti de son enveloppe enfantine, en sanglots qui la suffoquèrent, gonflèrent ses molles fibres de blonde et les lignes arrondies de son visage.

« Allons, allons… Calmez-vous… »

Mme Autheman s’approcha, lui prit la main. Elle savait par M. Birk qu’Éline avait de bons sentiments et remplissait, selon le monde, ses devoirs de chrétienne ; mais Dieu exigeait davantage, d’elle surtout, qui vivait entourée d’indifférence. Il lui fallait acquérir la foi pour ceux qui en manquaient, une foi large, et haute, et protégeante, pareille à ce grand arbre dans