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remit à la jeune fille un chèque de la somme, à toucher en bas à la caisse ; puis la voyant se lever, elle la fit rasseoir, pour lui parler de sa mère qu’elle avait connue autrefois chez Mme de Bourlon, et de cette pauvre grand’mère enlevée dernièrement d’une façon si prompte et si cruelle. « Au moins, » dit-elle à Éline bien en face, aiguisant et dardant ses yeux clairs, « au moins, a-t-elle connu le Sauveur avant de mourir ?… »

Lina troublée ne sut que répondre, incapable de mensonge, même si la présidente n’eût pas semblé au fait des moindres détails de leur vie. C’est vrai que grand’mère n’était pas pratiquante. Dans la dernière année surtout, soit indifférence, soit crainte superstitieuse, elle ne parlait jamais de religion, cramponnée au matériel de sa pauvre existence prête à lui échapper. Puis cette fin subite, presque foudroyante, le pasteur arrivant quand tout était fini, la dernière parure faite, les draps blancs repliés sur le corps froid… Non, on ne pouvait pas dire que grand’mère eût connu le Sauveur avant de mourir.

« Ah ! pauvre âme privée de la gloire de Dieu… »

La voix changée, les mains jointes, Mme Autheman