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démocratiques et son amour du peuple subissaient une rude épreuve au contact de la domesticité hypocrite et vicieuse, se signant à la chapelle, à l’entrée du parloir orné de fantastiques chemins de croix, et forçant les malles dans les chambres, chantonnant à l’ouvroir des refrains de rue infâmes, recouvrant d’un bonnet – pour parler aux clientes – des cheveux piqués d’épingles d’acier ou d’étoiles de clinquant. Chaque dimanche, chez les dames Ebsen, trop à l’étroit pour lui donner asile, elle se lamentait, racontait ses écœurements dans ce milieu bas et trivial ; mais ses amies, tout en l’aimant beaucoup, renonçaient à lui venir en aide, l’argent destiné à payer la chambre ou la pension s’en allant toujours à des fantaisies, des charités héroïques ou stupides. Henriette comprenait leurs méfiances, se désolait seulement de ne pas être plus pratique, « comme M. Lorie, par exemple, ou vous, ma chère Lina.

– Je ne sais pas si je suis pratique, » disait Éline en souriant ; « mais je m’arrange pour vouloir la même chose longtemps et faire avec plaisir tout ce que je dois faire.

– Eh bien ! moi, je dois élever des enfants